Le pays où on flotte dans la Mer Morte
Dans ce numéro, on pense bien à se tartiner des couches de crème solaire…
Emma A.
Une traversée enchantée sous le soleil
« On peut faire pause ? J’ai vraiment besoin de savoir dans quel film j’ai déjà vu ce visage. » Oui, je suis ce type de personne. In-sup-por-ta-ble (c’est ma sœur qui me le dit souvent). En réfléchissant à un sujet de newsletter sympa et en rapport avec ma grande passion, ça a fait tilt. Je crois que j’ai trouvé ma nouvelle obsession, celle de trouver quels films ont été tournés dans les mêmes lieux. Je m’appelle Tara et je vous embarque avec moi à la découverte des lieux qui font le cinéma.
🇯🇴 Deuxième escale où nous poserons nos valises : la vallée désertique du Wadi Rum au sud de la Jordanie, près de la frontière avec l’Arabie saoudite. Une partie est d’ailleurs protégée et a été inscrite au patrimoine de l’Unesco en 2011. Paré de rouge, jaune et blanc, le désert regorge d’arches naturelles et de canyons. Au milieu de cette étendue, des campements bédouins accueillent les nombreux visiteurs. Outre la grandiosité du paysage et la mosaïque de couleurs, le site est aussi connu pour la présence de pétroglyphes, des inscriptions gravées qui témoignent de 12 000 ans d’occupation humaine.
Et si le Wadi Rum est connu dans le monde du cinéma, c’est notamment parce que l’armée de Thomas Edward Lawrence y passa l’été 1917 avant de lancer son attaque sur Aqaba et que le destin de cet officier et écrivain britannique a été porté sur le grand écran (7 Oscars à la clé). Plus récemment, le lieu a accueilli les tournages de Star Wars, Dune ou encore John Wick 4. Direction le désert 🐪
Adresse : quelque part dans la vallée
L’un des films les plus emblématiques lorsqu’il est fait référence au désert. Lawrence d’Arabie, adapté des Sept piliers de la sagesse, participe à la construction de la légende de cet officier britannique, se battant aux côtés des Arabes en 1916-1918. Accompagné par la musique de Maurice Jarre, le film d’une durée de près de 3h45, plonge le spectateur dans un désert brûlant et sans fin. « Une expérience visuelle qui fait date dans l’histoire du cinéma », soutient Spielberg. Tournée dans plusieurs déserts, marocain et espagnol, l’épopée ne montre en réalité le Wadi Rum qu’une petite dizaine de minutes.
Le soleil qui se couche, le vent qui balaie les dunes, l’aridité du sol : chaque scène rappelle la cruauté du désert en même temps que sa grande beauté. Réellement arpentée par Lawrence d’Arabie, la vallée désertique jordanienne est reconnaissable à ses canyons et arches de grès rouge. Miroir du titre du récit autobiographique de Thomas Edward Lawrence, un rocher se nomme aussi les Sept piliers de la sagesse.
Dans cette histoire d’hommes (aucune femme ne parle durant les trois heures), deux grandes figures sont révélées : Peter O’Toole et sa co-star Omar Sharif. Chacun est doté d’une aura singulière, une violence contrôlée pour l’un, une attitude extravagante pour l’autre. La Jordanie, qui ne portait pas encore ce nom à leur époque, fut ainsi le théâtre du rêve de Lawrence, celle de pousser les tribus à fonder une nation arabe indépendante. Monument du 7e art, le film n’est pas exempt d’un sous-texte qui questionne.
En 2009, le Bayhem frappe à nouveau. Pour le deuxième épisode de la première trilogie consacrée aux Transformers, le réalisateur Michael Bay décide de sortir de l’environnement urbain qui caractérisait le précédent opus. Alors que la guerre entre Autobots et Decepticons reprend de plus belle, une nouvelle menace arrive : le Fallen. Vous l’aurez compris, celui-ci veut détruire la Terre… Sam et la team des non-robots doivent alors contrer l’ennemi en retrouvant la Matrice de Commandement, cachée par des Primes dans une tombe.
On repassera pour l’exactitude géographique, car les héros sont téléportés en Égypte, là où certains y verront plutôt le célèbre désert jordanien du Wadi Rum. Moins flagrant, la ville égyptienne est en réalité la ville de Salt, au nord-ouest de Amman. Bon, les pyramides que l’on voit par après sont les vraies. L’équipe a eu le droit de tourner pendant trois jours, tandis que l’acteur John Turturro a pu gravir un bout de pyramide pour le besoin d’une scène.
Le désert ancre ici la mythologie du film, celle d’un passé reliant les Transformers et les humains qui remonterait à des millénaires. Travellings et panoramiques figurent les personnages confrontés à l’immensité des décors, du désert à El Deir, le monastère de la cité de Pétra. Le dernier acte s’achève sur la castagne finale, et aucune pyramide n’a été détruite. Ouf.
Le petit enfant de dix ans, seul au milieu du désert, pratiquement livré à lui-même. Face à la nature sauvage, l’aridité des sols et la menace des bandits, Theeb est le propre héros de son apprentissage. Alors qu’il ne veut pas quitter son frère qui guide un officier britannique à la recherche d’un puits, le jeune garçon décide de s’aventurer lui aussi loin du campement qu’il a toujours connu. Soucieux d’un certain réalisme, l’équipe du film a passé plus d’un an à trouver l’une des dernières tribus nomades du pays pour qu’ils jouent leur propre rôle.
Theeb signifie loup en langue bédouine, un animal considéré comme une sorte de divinité. Pour cela, l’homme doit prouver sa valeur. Ici, le garçon se débat dans l’eau, fait le deuil d’un de ses proches, s’endurcit et prend les armes. Le long-métrage emprunte au western européen avec la présence nouvelle du chemin de fer, les rivalités tribales et l’horizon à perte de vue.
La présence britannique dans les années 1916 n’est pas le thème principal du film. Ce dernier s’attarde plutôt sur le changement d’ère avec la venue d’une nouvelle technologie, le passage forcé à l’âge adulte et la transmission de traditions.
🎶 On se quitte sur ces mots de l’écrivain et poète Salah Stétié
Le désert se retire en lui-même et, comme la marée, il sait lui aussi jouer à n’être plus là, ni plus chez lui, le temps de quelques hommes. Une fois ceux-là partis, il renaîtra de sa propre braise à peine refroidie, de ses propres cendres, dans la violente géologie du matin de ce monde, le sien, sous le regard démesuré des purs rapaces.
Une rose pour Wâdi Rum, 2012