đŸș Pensez Ă  enlever le flash #3

Le musĂ©e oĂč t'es obligĂ© de retourner

Dans le décor
4 min ⋅ 07/05/2023

Dans ce numéro, on met ses meilleures chaussures de rando pour visiter


Gloria Villa - UnsplashGloria Villa - Unsplash

L’émerveillement Ă  l’état pur

« On peut faire pause ? J’ai vraiment besoin de savoir dans quel film j’ai dĂ©jĂ  vu ce visage. Â» Oui, je suis ce type de personne. In-sup-por-ta-ble (c’est ma sƓur qui me le dit souvent). En rĂ©flĂ©chissant Ă  un sujet de newsletter sympa et en rapport avec ma grande passion, ça a fait tilt. Je crois que j’ai trouvĂ© ma nouvelle obsession, celle de trouver quels films ont Ă©tĂ© tournĂ©s dans les mĂȘmes lieux. Je m’appelle Tara et je vous embarque avec moi Ă  la dĂ©couverte des lieux qui font le cinĂ©ma.  

đŸ‡«đŸ‡· TroisiĂšme escale oĂč nous poserons nos valises : le musĂ©e du Louvre Ă  Paris. Ancien chĂąteau fort construit par Philippe Auguste en 1190, il est ensuite devenu une rĂ©sidence royale sous Charles V. L’inauguration du musĂ©e advient en 1793, sous le nom de MusĂ©um central des arts de la RĂ©publique. Au cƓur de la capitale française, le lieu recĂšle d’immenses trĂ©sors, scrutĂ©s par prĂšs de 10 millions de paires d’yeux en 2018. Le voyage est saisissant, la chronologie s’étendant de la prĂ©histoire au 21e siĂšcle. À noter que le Louvre a inaugurĂ© deux antennes en 2012 et 2017 Ă  Lens et Abu Dhabi.

Et si le Louvre est connu dans le monde du cinĂ©ma, c’est notamment pour ses chiffres fous : 403 piĂšces, 10 000 marches ou encore 14,5 km de couloirs. Une enceinte mythique et chargĂ©e d’histoire qui attire prĂšs de 450 tournages par an. Parmi les plus cĂ©lĂšbres, citons les prises de vues d’Henri Desfontaines, AgnĂšs Varda et JR y flĂąnant dans Visages Villages ou le rĂ©cent clip « Apeshit Â» des Carters. Direction le plus beau musĂ©e du monde đŸ–Œïž

Adresse : rue de Rivoli, 75001 Paris

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Anna Karina au milieu. Sami Frey et Claude Brasseur Ă  ses cĂŽtĂ©s. Tous les trois rĂ©alisent le sprint de leur vie. Et pour cause, il leur faut battre le record de vitesse d’un certain Jimmy Johnson de San Francisco. Cet AmĂ©ricain (probablement fictif) aurait visitĂ© le Louvre en 9 minutes 45 secondes. Un dĂ©fi qui ne fait pas peur au trio qui slalome parmi les gardiens et les visiteurs de la Grande Galerie en se tenant par la main. Cette scĂšne du film de Jean-Luc Godard (1964) en a inspirĂ© plus d’un, des Innocents de Bertolucci qui en reproduisent la course effrĂ©nĂ©e au rĂ©alisateur Quentin Tarantino et sa sociĂ©tĂ© de production nommĂ©e A Band Apart.  

Au-delĂ  du challenge, le musĂ©e du Louvre semble ĂȘtre le lieu idĂ©al pour ces trois jeunes gens qui cherchent parfois juste Ă  tuer le temps, se rĂȘvant parfois les personnages d’un film. Odile, Franz et Arthur veulent vivre leur vie Ă  fond, et n’ont pas le temps de s’arrĂȘter devant les chefs-d’Ɠuvre des grands maĂźtres et les sculptures anciennes. PassĂ© la Victoire de Samothrace, ils augmentent la cadence, glissant sur le parquet cirĂ© et le carrelage Ă  la maniĂšre de patineurs artistiques.


ImprovisĂ© par Godard et les acteurs au moment du tournage, ce tourbillon de jeunesse et de fougue ravive l’attention du spectateur. Une vision d’une certaine irrĂ©vĂ©rence qui tĂ©moigne d’une libertĂ© par rapport au temps, aux conventions et mĂȘme Ă  la culture en gĂ©nĂ©ral. C’est aussi le cas du reste de Bande Ă  part qui se prend Ă  changer de rythme, Ă  insĂ©rer des voix off ou Ă  couper la musique en plein milieu d’un numĂ©ro de danse. Film pourtant mineur de la filmographie de Godard, la poursuite au Louvre a atteint le rang de scĂšne culte.

La nuit tombe. Jacques SauniĂšre (Jean-Pierre Marielle) est pourchassĂ© dans les couloirs sombres du musĂ©e. Le directeur actionne le mĂ©canisme permettant d’abaisser une lourde grille, le sĂ©parant de son agresseur affublĂ© d’une robe de bure. Le montage alterne entre la fuite de l’homme au souffle court, et les visages figĂ©s de diffĂ©rentes toiles. Cette scĂšne d’ouverture donne le ton : le Louvre est rempli de secrets, et ce sont les tableaux qui en sont les gardiens muets.  

Cette adaptation du roman de Dan Brown,
Da Vinci Code, met en scĂšne les tribulations teintĂ©es d’ésotĂ©risme de Robert Langdon (Tom Hanks). Plus polĂ©mique et moins rythmĂ© que sa suite Anges & DĂ©mons, le film a reçu un accueil plutĂŽt glacial aprĂšs sa prĂ©sentation en ouverture du festival de Cannes en 2006. Pour ce qui est de la production, l’équipe de tournage a pu filmer de nuit Ă  l’intĂ©rieur du Louvre, arpentant les Salles rouges et approchant au plus prĂšs de Mona Lisa. Un plus quand on sait que le passage dans l’église Saint-Sulpice a en rĂ©alitĂ© Ă©tĂ© tournĂ© en studio Ă  Londres ou encore que le chĂąteau de Villette se trouve ĂȘtre le Burghley House du Lincolnshire.    

Quoi de mieux que de rĂ©ellement investir le Louvre pour en restituer l’atmosphĂšre fantastique et fantasmer sur les nombreuses significations des richesses qu’il dĂ©tient ? La scĂšne de crime inaugurale Ă©claire le corps de l’homme, un pentagramme ensanglantĂ© sur la poitrine et une position qui rappelle celle de l’Homme de Vitruve. Les Ă©nigmes s’enchaĂźnent pour le professeur de symbologie et sa comparse, la cryptologue Sophie Neveu (Audrey Tautou). CritiquĂ©, souvent moquĂ©, Da Vinci Code n’en reste pas moins un bon divertissement
 et donne envie d’interroger tous les symboles qui nous entourent. Ouvrez l’Ɠil !

Que ceux qui ont dĂ©jĂ  voulu voir l’envers du dĂ©cor du Louvre lĂšvent la main ! Pour une plongĂ©e au cƓur du musĂ©e, il y a le documentaire de Nicolas Philibert sorti en 1990. On y cĂŽtoie personnel de nuit, agents d’entretien et des gus qui roulent Ă  cent Ă  l’heure
 en rollers ! Un mĂ©lange entre « le prosaĂŻque et le sublime, la cocasserie et le rĂȘve Â», voire « une vĂ©ritable ville dans la ville Â».  

La ville Louvre donne ainsi Ă  voir l’accrochage des tableaux, la rĂ©flexion autour de leur disposition ou encore le dĂ©placement des Ɠuvres entre passage par la fenĂȘtre et virage serrĂ© Ă  nĂ©gocier le plus habilement possible. Dans les Ă©tages infĂ©rieurs, le personnel s’affaire et se prĂȘte Ă  une sĂ©ance d’essayage des nouveaux uniformes. « Ă€ l’origine, il n’était pas question de faire un film. On m’avait simplement proposĂ© de venir archiver, pour le compte du musĂ©e, le dĂ©placement de quelques toiles qui, de par leurs dimensions, promettaient d’ĂȘtre spectaculaires Â». Finalement, l’exceptionnel s’est imposĂ© au rĂ©alisateur qui a filmĂ© cet affairement autour de l’amĂ©nagement des salles, de la construction de la Pyramide et des galeries souterraines s’étendant Ă  l’infini.  

L’identitĂ© mĂȘme du Louvre est mise en avant. Le lieu revĂȘt son importance, autant que les personnes qui le font vivre, dans une « relation de travail Â» qu’a voulu retransmettre Nicolas Philibert. MalgrĂ© la dĂ©nomination de documentaire, le long-mĂ©trage « procĂšde d’une approche trĂšs narrative, un peu comme dans la fiction Â» avec l’alternance de temporalitĂ© et l’absence de commentaires. La place est laissĂ©e aux protagonistes et Ă  leur spontanĂ©itĂ©, entre rĂ©alisme et magnĂ©tisme. Ici, un gardien a oubliĂ© sa chemise, lĂ  un robot fait le mĂ©nage. On rĂ©clame une suite !


đŸŽ¶ On se quitte sur ces mots du romancier Arthur BernĂšde

— Monsieur le conservateur, annonça-t-il, on vient de dĂ©couvrir ici des traces suspectes. Et il dĂ©signa le socle de la statue de BelphĂ©gor, dieu des Moabites, dont le masque grimaçant, dĂ©concertant, Ă©nigmatique semblait contempler en ricanant les humains qui l'entouraient.

Belphégor, 1927

Dans le décor

Par Tara -

Je m'appelle Tara et du haut de mes 25 ans, je vous embarque avec moi au pays des films et séries. Journaliste, j'essaie de décortiquer des scÚnes emblématiques pour vous donner envie de voyager et découvrir grands classiques et films de genre.