🌳 Inspirez profondément #6

Admirer la nature (le comeback de la newsletter)

Dans le décor
4 min ⋅ 09/04/2024

Dans ce numéro, on part explorer…

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La couleur verte

« On peut faire pause ? J’ai vraiment besoin de savoir dans quel film j’ai déjà vu ce visage. » Oui, je suis ce type de personne. In-sup-por-ta-ble (c’est ma sœur qui me le dit souvent). En réfléchissant à un sujet de newsletter sympa et en rapport avec ma grande passion, ça a fait tilt. Je crois que j’ai trouvé ma nouvelle obsession, celle de trouver quels films ont été tournés dans les mêmes endroits. Je m’appelle Tara et je vous embarque avec moi à la découverte des lieux qui font le cinéma.

🌱 Sixième escale où nous poserons nos valises : l’une des plus importantes forêts tropicales au monde. Vaste étendue située en Amérique du Sud, elle couvre de nombreux pays tels que le Brésil, la Colombie, le Guyana ou encore le Pérou. À cela s’ajoute le fleuve Amazone, le plus long avec le Nil, qui sillonne une forêt en danger. Car si elle abrite une biodiversité incroyable – 40 000 espèces de plantes ou encore 3000 espèces de poissons d’eau douce –, elle est d’autant plus fragile que les écosystèmes et populations qu’elle abrite sont menacés par la déforestation et l’orpaillage illégal par exemple.

Et si cette forêt, qui compte 50 fois plus d’arbres que d’êtres humains sur la planète, est connue dans le monde du cinéma, c’est pour son immensité, sa densité et les mystères qu’elle recèle. Un fantasme d’aventurier et d’anthropologue prêts à braver mille obstacles et dialoguer avec des civilisations isolées du monde moderne. Une forêt où il faut être sur ses gardes, tant à cause des animaux que des humains. Une expédition sans pitié, à la sueur du front et la chemise trempée. En somme, un personnage de fiction à elle seule. Direction un continent que les Européens avaient baptisé : le Nouveau Monde 🗺️

Adresse : sur la canopée

L’ingénieur Bill Markham s’installe au Brésil avec sa femme et ses deux enfants pour participer à la construction d’un barrage hydroélectrique dans la région. Il les emmène sur le chantier, balaie du regard les arbres qui sont en train d’être arrachés à leur sol. Après un rapide tour, la famille s’installe pour pique-niquer. Tommy, le fils, part explorer la forêt sur quelques mètres, mais il est rapidement enlevé par des autochtones. Englouti par la forêt et ses habitants, personne ne le retrouvera. Dix ans plus tard, le barrage est en passe d’être achevé et Tommy est devenu “Tomme”, un adolescent appartenant à la tribu du “Peuple invisible”.

Inspiré d’une histoire vraie, le film se veut être une fable écolo-mystique, renvoyant dos à dos les croyances du monde moderne face à celles d’un paradis vert préservé de tous les vices. Le “monde mort”, comme l’appelle le chef de la tribu qui a enlevé le garçon. Par son acte, il lui offre ainsi ce qu’il pense être une vie meilleure, loin d’un “Peuple termite” - en référence aux arbres déracinés et attaqués par les hommes comme le font les insectes. 

Pas de dentelle ici. Le monde extérieur n’a que des aspects négatifs, de la mutilation de la nature à la tribu ennemie qui commerce des armes à feu en échange de prisonnières indiennes. La forêt est ainsi l’espace, non pas vierge de conflits, mais là où le lien avec la nature se veut pur et sans concession. Par endroits, le récit s’attache à présenter les coutumes et surtout le renoncement d’un père qui accepte de confier son fils – qu’il revoit alors que ce dernier effectue un rite de passage – à cette entité qu’est la forêt. Jusqu’à un geste final, qui montre que lui aussi renonce à une partie du monde moderne. La nature en sort vainqueur.

On change de spectre pour aborder cette fois un film d’animation destiné à un jeune public. Ainbo, 13 ans au compteur, rêve de devenir la meilleure chasseuse de tout Candamo. Née dans la forêt, elle n’a peur de rien (ou presque), et surtout pas de lutter contre la déforestation qui menace son village. Flanquée de deux guides spirituels, un tapir et un tatou – Pumbaa et Timon version jungle – elle se lance dans une offensive contre ceux qui ne courent qu’après les ressources de la forêt.

La narration simpliste, notamment dans les dialogues, et une animation parfois inaboutie sortent un peu le spectateur du récit. Et non, un film pour enfants ne doit pas se contenter d’aligner des phrases sans cohérence ou profondeur… Oscillant entre la quête de ses parents, sa place au sein du village et ses envies d’aventure, le film explore tout et rien en même temps. Quant à la partie écologie du récit, elle s’en trouve réduite à quelques lignes pour laisser place au développement de l’esprit maléfique, Yacuruna, sans pour autant approfondir le lien entre ses désirs et le mal que cela engendre.

Des scènes font tout de même l’effort de présenter la vie au sein de la communauté, notamment lorsque l’amie de l’héroïne se voit confier les rênes du village pour succéder à son père. La partie la plus réussie est certainement la rencontre entre Ainbo et Motelo Mama, vieille tortue géante, ou le paresseux au milieu de son volcan. Le film aurait gagné à grappiller quelques minutes de plus pour mieux poser ses enjeux et confronter réellement son public aux conséquences écologiques de certaines pratiques en Amazonie.

James Gray, cinéaste reconnu pour filmer les rues de New York, change ses habitudes et pose sa caméra en pleine forêt, s’éloignant pour la première fois des centres-villes et des thématiques urbaines. Il n’en reste pas moins un cinéaste de l’introspection et des sentiments, c’est pourquoi il offre à son personnage d’explorateur et d’officier de l’armée une autre dimension. Adapté d’un livre de David Grann – par ailleurs auteur de Killers of the flower moon – le film livre ici un récit d’aventures teinté du mystère d’une cité perdue.

Percy Fawcett, qui a par ailleurs réellement existé, est déterminé à laver son nom, lui qui descend d’une grande famille mais dont l’un des ancêtres est connu pour son alcoolisme et sa passion du jeu. Rempli de contradictions, le héros (remarquablement interprété par Charlie Hunnam) tient à sa famille, mais ce rapport est constamment contrebalancé par son envie de gloire. En effet, il est chargé par la Société royale géographique de Londres de cartographier les frontières entre le Brésil et la Bolivie. Nous sommes en 1906 et l’apprenti explorateur effectuera plusieurs expéditions en Amazonie, jusqu’à embarquer son fils aîné, qu’il a peu vu grandir, comme assistant. Surtout, il est persuadé de marcher sur les traces de Z, une antique cité perdue.

C’est son désir de croire et de découvrir une civilisation dont la modernité pourrait égaler celle des Européens qui font de cet homme un personnage en décalage avec les mœurs de son temps – bien retranscrit dans une scène où son discours se meut en plaidoirie devant ce qui ressemble presque à une cour de justice, tant il doit batailler pour ses idées. Passé certains obstacles, il se voit néanmoins toujours relégué à son statut, source de frustrations pour celui qui doit faire face à la veulerie d’un aristocrate venu prendre part à l’expédition, symbole de toute une classe qu’il commence à mépriser. Film sans grandiloquence, même si quelques scènes n’échappent pas au genre – attaque d’une tribu, de piranhas et autres pertes de vivres – le moteur de l’histoire est bien l’espoir.

Le bonus : La dernière forêt (disponible sur Netflix)

Dans ce docufiction, les Yanomami sont présentés à travers des scènes de la vie quotidienne mêlées à leur mythe fondateur : Omama qui pêchait avec Thuëyoma, une femme-poison, et se liait avec elle pour donner naissance à la tribu. Le scénariste brésilien Luiz Bolognesi a été accompagné dans l’écriture par Davi Kopenawa, chef chaman écologiste et porte-parole international de la communauté Yanomami.

Pour approfondir la question de la déforestation, voici le lien vers un documentaire Arte : Brésil, replanter l'Amazonie | Gardiens de la forêt (2023).

The Last Forest (2021)The Last Forest (2021)


Dans le décor

Par Tara -

Je m'appelle Tara et du haut de mes 25 ans, je vous embarque avec moi au pays des films et séries. Journaliste, j'essaie de décortiquer des scènes emblématiques pour vous donner envie de voyager et découvrir grands classiques et films de genre.