🌆 Avoir "Waka Waka" dans la tête #11

On n'évoquera pas l'épisode du bus de 2010

Dans le décor
5 min ⋅ 30/06/2025

Dans ce numéro, on part explorer…

Photo de Jacques Nel sur Unsplash

A la frontière entre la ville et le township

« On peut faire pause ? J’ai vraiment besoin de savoir dans quel film j’ai déjà vu ce visage. » Oui, je suis ce type de personne. In-sup-por-ta-ble (c’est ma sœur qui me le dit souvent). En réfléchissant à un sujet de newsletter sympa et en rapport avec ma grande passion, ça a fait tilt. Je crois que j’ai trouvé ma nouvelle obsession, celle de trouver quels films ont été tournés dans les mêmes endroits. Je m’appelle Tara et je vous embarque avec moi à la découverte des lieux qui font le cinéma.

☀️ Onzième escale où nous poserons nos valises : chez Jozi (bon ça c’est le surnom pour les gens qui connaissent vraiment Johannesburg). Plus grande ville d’Afrique du Sud, elle est située à une cinquantaine de kilomètres au sud de la capitale administrative du pays, Pretoria. Des figures historiques ont habité sa banlieue, notamment Nelson Mandela – dans le township (zone urbaine racialement ségréguée) de Soweto.

Et si ce territoire est connu dans le monde du cinéma, c’est parce qu’il est presque impossible de ne pas se figurer ses métropoles où se dressent des immeubles modernes non loin des bidonvilles. Le contraste entre les richesses et les conséquences de l’apartheid sont autant de sujets saisissants à mettre en lumière par le biais de la caméra. Direction : Joburg 🇿🇦

Adresse : presque à la pointe de l’Afrique

Il a 19 ans et est orphelin. Cela fait bien longtemps qu’il ne connaît plus son nom, alors autant l’appeler « Tsotsi » –  « voyou » ou « gangster » dans le jargon des ghettos aux abords de Johannesburg. Leader d’une petite bande de malfrats (un gars qui voulait devenir instituteur, un autre qui sort son couteau à tout bout de champ et un dernier aussi costaud que benêt), le jeune homme ne vit que de violence. Alors que le film dépeint une jeunesse perdue et errant de crime en crime, Tsotsi va brutalement trouver du sens à sa vie. Après avoir volé la voiture d’une femme dans une banlieue aisée, il découvre qu’un bébé dort sur la banquette arrière. Contre toute attente, il se met en tête d’élever l’enfant.

Basé sur un livre construit autour des pensées et des dialogues intérieurs du personnage principal, le film montre un protagoniste tout aussi peu bavard. Tout passe par les expressions de l’acteur Presley Chweneyagae. On y lit autant de rage contenue que de douleur profonde. Classique histoire de rédemption, le film donne tout de même à voir l’état d’un pays qui ne se défait pas aussi aisément de décennies d’oppression et d’injustice. Dans un élan qu’il ne comprend pas forcément lui-même, Tsotsi va tout faire pour que le bébé vive correctement – quitte là encore à user d’une arme pour arriver à ses fins, ici pour demander à Miriam de donner le sein au bébé.

Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2006, “Mon nom est Tsotsi” fait lentement renaître son personnage principal. Alors qu’il transporte le bébé dans un sac en papier, il se rend sur le terrain vague où il avait l’habitude de dormir et se remémore petit à petit des bribes de son enfance. Décidé à enfin aller de l’avant, il remet en cause ses actions et se met en quête du pardon, ou de ce qui pourrait s’en rapprocher : il exhorte par exemple son ami à arrêter de le suivre et à penser par lui-même et donne de l’argent à un infirme qu’il avait auparavant humilié.

Un banal entraînement de rugby sur une pelouse verdoyante. Un travelling plus tard et le propos du film est déjà là : un grillage, une route, un sol poussiéreux et des gamins noirs qui jouent au football. Un cortège passe et c’est la liesse – mais d’un seul côté du spectre seulement – parce que l’homme dans la voiture, c’est Nelson Mandela, le jour de sa libération le 11 février 1990, après 27 ans de prison. Armé du livre de John Carlin (« Playing the Enemy, Nelson Mandela and the Game That Made a Nation ») et du poème favori du futur président de l’Afrique du Sud (« Invictus » de William Ernest Henley), Clint Eastwood retrace une partie des événements qui ont conduit à la victoire des Springboks lors de la Coupe du monde de rugby 1995.

“I am the master of my fate/I am the captain of my soul.” Ces vers parcourent le récit, celui de la création d’un sentiment d’union nationale. Et quoi de plus rassembleur que les valeurs du sport ? Alors que les Springboks étaient soutenus depuis des décennies par les Blancs du pays – Mandela fera la remarque que les Noirs sud-africains présent dans le stade soutiennent à chaque fois l’équipe adverse, le membre de l’ANC veut en faire un symbole fédérateur. Mais les deux côtés opposeront de fortes résistances. En vérité, la partie purement sportive est assez vite expédiée pour laisser la place aux émotions : la colère de la sécurité du président qui ne comprend pas pourquoi elle doit travailler avec des Blancs ou la solennité de la rencontre entre Mandela et le capitaine de l’équipe nationale de rugby, François Pienaar.

Malgré un jeu en retenue de Morgan Freeman et Matt Damon, on sent parfois le film prendre une dimension hagiographique. Là, les membres de l’équipe – dont Chester, le seul Noir – sont envoyés en mission pour apprendre les rudiments de leur sport à des enfants noirs dans les bidonvilles ; ici la fille de Mandela qui regarde son père à la télévision (malgré des relations tendues qu’on comprend par une mince intrigue secondaire) ; ou encore un enfant noir qui s’arrête près d’une voiture de police pour ne pas perdre une miette du match retransmis à la radio. Le réalisateur trouve dans cet épisode de l’histoire sud-africaine le meilleur moment pour évoquer le chemin d’une réconciliation semé d’embûches et de méfiance respective et dont le peuple en sort grandi.

C’est un de ses films qui part directement dans votre top après visionnage. Un long-métrage qui frappe fort de par sa facture visuelle et sa métaphore sur les problématiques de racisme et de xénophobie – ici concentrées en Afrique du Sud. Le tout… en invoquant des aliens. Ceux-ci sont surnommés “prawns” (crevettes ou gambas) à cause de leur aspect longiligne et de leurs tentacules qui rappellent Cthulhu ou Davy Jones. Leur vaisseau est tombé en panne et stationne au-dessus de Johannesburg depuis une trentaine d’années. Les extraterrestres sont parqués dans le District 9, où règne la violence et la misère. Face à une population grandissante, le gouvernement veut les évacuer vers le District 10, très loin de la ville. L’histoire suit Wikus, petit soldat bureaucratique qui se fait contaminer par un fluide et devient peu à peu un alien. Alors qu’il découvre les horreurs pratiquées sur les extraterrestres, il devient lui aussi l’objet d’expérimentations scientifiques avant de réussir à s’enfuir…

Version rallongée de son court-métrage “Alive in Joburg”, Neill Blomkamp peut compter sur le soutien de Peter Jackson à la production et nous présente ainsi un objet de science-fiction bourré d’idées, à l’image de son montage qui mêle found footage, faux airs de reportage CNN, interviews et images de caméra de surveillance. Pour les fans de jeux vidéo, on retrouve des éléments qui font écho à la licence Halo : c’est expliqué ici par Ecran Large, et ça revient sur le pourquoi de l’après District 9 a été compliqué pour le réalisateur – et ça rappelle la trajectoire de Josh Trank qui avait pourtant lui aussi marqué les esprits avec son fabuleux “Chronicle”.

Ça suinte, ça pisse un sang noir, ça explose dans tous les sens. Bref… c’est incroyable ! Je ne me suis toujours pas remise de ce plan magnifique où on voit des hélicoptères dans un bout de ciel, le vaisseau alien occupant tout l’arrière-plan. Seize ans après la sortie du film, le public vante encore le réalisme et la qualité des visuels (et attend désespérément District 10 !). Le tournage s’est déroulé dans la banlieue de Soweto et le chef décorateur Philip Ivey explique que les cabanes détruites existaient déjà et qu’elles ont été rachetées puis reconstruites en partie, ajoutant ainsi beaucoup d’authenticité. Et que dire encore du plan final, où l’on confère des traits humains à un visage pourtant alien. Une magnifique réussite !


Dans le décor

Par Tara -

Je m'appelle Tara et du haut de mes 25 ans, je vous embarque avec moi au pays des films et séries. Journaliste, j'essaie de décortiquer des scènes emblématiques pour vous donner envie de voyager et découvrir grands classiques et films de genre.