Grimper sur les toits de la ville
Dans ce numĂ©ro, on fait attention Ă ne pas perdre lâĂ©quilibre pour admirer la vue depuis les toits dââŠ
Photo de Ibrahim Uzun sur Unsplash
Plein la vue
« On peut faire pause ? Jâai vraiment besoin de savoir dans quel film jâai dĂ©jĂ vu ce visage. » Oui, je suis ce type de personne. In-sup-por-ta-ble (câest ma sĆur qui me le dit souvent). En rĂ©flĂ©chissant Ă un sujet de newsletter sympa et en rapport avec ma grande passion, ça a fait tilt. Je crois que jâai trouvĂ© ma nouvelle obsession, celle de trouver quels films ont Ă©tĂ© tournĂ©s dans les mĂȘmes endroits. Je mâappelle Tara et je vous embarque avec moi Ă la dĂ©couverte des lieux qui font le cinĂ©ma.
đčđ· QuatriĂšme escale oĂč nous poserons nos valises : les toits dâIstanbul. Petite prĂ©cision pour ceux qui comme moi ont toujours un petit doute. Câest Ankara la capitale de la Turquie. Et vu quâon adore les anecdotes sympas, les habitants dâIstanbul se nomment les Stambouliotes ou les Istanbuliotes. On finit le cours dâhistoire-gĂ©o avec le nom mĂȘme de la ville, qui sâest appelĂ©e Byzance ou Constantinople selon les Ă©poques.
Et si Istanbul est connu dans le monde du cinĂ©ma, câest notamment parce quâHollywood aime bien lui donner une aura particuliĂšre : celle propice aux films dâespionnage. Quoi de mieux quâune course-poursuite dans le Grand Bazar, oĂč tout le monde peut se perdre parmi les 3000 Ă©choppes ? Ou se fixer un rendez-vous secret Ă la basilique Sainte-Sophie, transformĂ©e en mosquĂ©e puis en musĂ©e. Direction les hauteurs, avec en toile de fond les monuments incontournables dâIstanbul. đ
Adresse : quelque part sur les toits, Istanbul, Turquie
âRonsonâs down. He needs medical evac.â La scĂšne dâouverture donne bien le ton de chaque film consacrĂ© Ă lâagent 007, juste avant un gĂ©nĂ©rique parfois tout aussi cĂ©lĂšbre. Dans Skyfall, James Bond doit poursuivre un ennemi tout en essayant de sauver la vie dâun collĂšgue. Premier dilemme de cet opus consacrĂ© Ă lâenfance de lâespion qui a grandi en Ăcosse dans un manoir oĂč « le ciel sâeffondre ». Voici donc la poursuite inaugurale. Ă pied, en voiture, puis en moto : lâennemi glisse entre les mains de Bond et Moneypenny.
Câest la course au-dessus du Grand Bazar qui nous intĂ©resse ici. Bond grimpe les escaliers et sillonne les toits au volant de sa moto. De quoi nous offrir pendant quelques instants une vue imprenable sur des rangĂ©es de briques orange, grĂące Ă un montage lisible et des plans larges qui ne coupent pas Ă outrance les actions des deux protagonistes. Les tons marron invoquent la chaleur des lieux et lâĂąpretĂ© de la course, qui se termine sur le toit dâun train. M donne lâordre dâabattre la cible. Moneypenny rate son tir. James Bond chute du pont dâAdana vers le prĂ©cipice. Lâagent est laissĂ© pour mort. GĂ©nĂ©rique.
La voix envoĂ»tante dâAdĂšle et les images teintĂ©es de bleu et de rouge figurent la trame du long-mĂ©trage, Ă savoir la chute dâun hĂ©ros qui devra sâengager dans un chemin initiatique pour reconstruire une histoire trop longtemps mise de cĂŽtĂ©. Les tons deviennent rapidement froids, câest la mort symbolique de lâagent secret. Pas de panique, il faut remplir les 2h23 du film. On retrouve ainsi rapidement James Bond Ă lâĆuvre.
Sâil fallait choisir un film qui illustre le concept de carte postale, la suite des aventures de Bryan Mills est un bon candidat. Alors que sa femme et sa fille le rejoignent en Turquie, on a droit Ă des plans aĂ©riens de la ville, le premier montrant la vue depuis lâhĂŽtel donnant pile sur la grande mosquĂ©e SĂŒleymaniye. Le rĂ©alisateur multiplie les plans, alterne les angles, pour nous montrer Ă chaque fois une citĂ© imposante et baignĂ©e dans la lumiĂšre du jour.
Pour ce second Ă©pisode dâun film français (produit par Luc Besson) mettant en scĂšne des acteurs anglophones (Liam Neeson, Maggie Grace et Famke Janssen), on repassera. Le scĂ©nario recycle forcĂ©ment lâidĂ©e de lâenlĂšvement qui est son matĂ©riau de base, mais sans grande inventivitĂ© ni conviction. Seules quelques scĂšnes mĂ©ritent un lĂ©ger dĂ©tour, celles de la poursuite dans les ruelles du Grand Bazar et sur les toits qui rappelle grandement celle dâun autre (plus) cĂ©lĂšbre agent. En effet, les deux parties ont Ă©tĂ© tournĂ©es au mĂȘme endroit, avec pour toile de fond commune la MosquĂ©e neuve.
Ici, câest la fille de lâagent Mills qui se dĂ©mĂšne pour Ă©chapper aux mafieux albanais Ă ses trousses. Elle lance des grenades (au hasard) pour que son pĂšre se repĂšre en entendant le bruit des explosions ; elle fait des bonds de gĂ©ant entre deux maisons et se retrouve finalement coincĂ©e face Ă son adversaire. Un Ă©talonnage froid et bleutĂ© pour un film qui nâa que quelques paysages Ă offrir Ă son spectateur.
« Kedi » veut dire chat en turc. Et des chats, il y en a partout Ă Istanbul. La rĂ©alisatrice Ceyda Torun a voulu immortaliser la vie de sept dâentre eux, en lui suivant de prĂšs dans leur quotidien. « La psychopathe », « le joueur » ou encore « le gentleman », chacun a son caractĂšre et ses habitudes. Dans ce documentaire, on frĂŽle plutĂŽt le sol, les regards cam des diffĂ©rentes petites bĂȘtes amusent. Câest une plongĂ©e dans les quartiers de la ville, car habitants et animaux cohabitent chaque jour : âWithout the cat, Istanbul would lose a part of its soul.â
De nuit comme de jour, les chats vagabondent des heures durant. Avant de dormir le reste du temps. VĂ©ritable lien affectif, lâanimal est chouchoutĂ© par les citadins, car il fait partie intĂ©grante du dĂ©cor. Les gens leur ouvrent la porte des boutiques ou des immeubles pour les laisser passer, font volontairement tomber de la nourriture et disposent mĂȘme des gamelles exclusivement rĂ©servĂ©es aux petites boules de poils.
Tout au long de ce documentaire qui dĂ©borde de mignonitude, on embarque aussi dans un voyage spirituel. Le chat devient sacrĂ©, il relie lâhomme au divin, redonne foi Ă certains. Au dĂ©tour dâune rue, on trouve un petit ĂȘtre bien calĂ© dans les coussins dâune terrasse tandis quâun autre sâapproche au plus prĂšs du bord dâun toit dâimmeuble. Et lĂ , on est comme le fĂ©lin. On observe la ville en contrebas dâun air satisfait.
Le bonus : la Citerne Basilique
Câest le moment de redescendre. Lâun des trĂ©sors dâIstanbul se trouve au sous-sol : la Citerne Basilique, une rĂ©serve gigantesque sous terre dâune capacitĂ© de 78 000 m3. Elle aussi a eu le droit de servir de dĂ©cors de films, pour Bons baisers de Russie (1963) ou encore la derniĂšre adaptation dâun livre de Dan Brown, Inferno (2016).
Il était (encore) une fois James Bond en Turquie