Vous reprendrez bien des scones ?
Dans ce numéro, on part explorer…
Photo de George Ciobra sur Unsplash
Entre le Gloucestershire et le Somerset
« On peut faire pause ? J’ai vraiment besoin de savoir dans quel film j’ai déjà vu ce visage. » Oui, je suis ce type de personne. In-sup-por-ta-ble (c’est ma sœur qui me le dit souvent). En réfléchissant à un sujet de newsletter sympa et en rapport avec ma grande passion, ça a fait tilt. Je crois que j’ai trouvé ma nouvelle obsession, celle de trouver quels films ont été tournés dans les mêmes endroits. Je m’appelle Tara et je vous embarque avec moi à la découverte des lieux qui font le cinéma.
🍂 Douzième escale où nous poserons nos valises : la campagne anglaise. Hall, park, house… autant de termes pour qualifier les innombrables “English country houses” qui font le charme de ces contrées. Pour compléter le tableau, on y ajoute une longue allée de gravier, du feu qui crépite dans la cheminée… et pourquoi pas un mouton qui bêle au loin. Une sorte d’automne perpétuel.
Et si ce territoire est connu dans le monde du cinéma, c’est parce que les bourgs anglais aux ruelles pavées et maisons en pierre contrastent notamment avec le tumulte de Londres et offrent une autre vision de l’île. Selon les régions et les réalités socio-économiques des personnages, le spectateur peut tantôt être confronté à la solitude et avoir une impression d’enfermement, qu’au contraire, se délecter de l’ambiance cocooning et cosy mystery. Le tout est de capter l’âme de ses villages et de ses habitants. Direction : the British countryside 🐑
Adresse : Sandford, le fameux “village de l’année”
“Vous devriez prendre des vacances, sortir de cette maison et voir le monde.” Ainsi s’adresse le nouveau propriétaire de Darlington Hall (ici le domaine de Dyrham Park) – interprété par Christopher Reeve – à son majordome Stevens, incarné par Anthony Hopkins. Ce dernier lui répondra d’une voix contenue : “Avant, le monde venait à nous.” Sauf que bien des années ont passé depuis la grande époque. Le spectateur va découvrir l’histoire de cette bâtisse à travers les souvenirs du domestique, en même temps que celui-ci sillonnera la campagne anglaise pour retrouver un personnage de son passé, Miss Kenton.
Adapté du livre de Kazuo Ishiguro, “Les Vestiges du jour” se déroule dans un contexte de guerre et de montée du nazisme alors que lord Darlington organise une conférence internationale pour évoquer la remilitarisation de l’Allemagne et chercher des soutiens politiques. Deux camps s’opposent lors du dîner de clôture, celui des “amateurs” (les gentlemen britanniques qui obéissent à une certaine étiquette) et ceux qui comprennent que le monde est désormais régi par la realpolitik. Trois niveaux de narration s’entremêlent tout au long du récit : l’histoire avec un grand H, le devenir du domaine après son abandon, et la romance avortée entre Stevens et Miss Kenton (jouée par Emma Thompson).
L’échoppe, le pub, la petite pension et le front de mer… Alors que le majordome parcourt un bout de l’Angleterre, le montage alterne entre passé et présent. Hopkins, habité par le rôle, a eu à cœur de demander des conseils pour représenter le métier sans tomber dans le pastiche. Il se tient droit, ne dit pas un mot plus haut que l’autre et veille à tout, y compris à l’alignement des verres qu’il vérifie au moyen d’une règle graduée. A mesure que le film avance, on comprend surtout que ce que l’on prend pour l’amour du métier est en fait un aveuglement. L’homme ne vit que pour son maître, sans questionner un seul instant ses choix (il renverra ainsi deux filles juives), et refoulant ses émotions les plus infimes. Il se réfugie derrière sa couardise, pensant que tout le dépasse. La scène finale encapsule tout le propos du film : aveuglé par son devoir, Stevens ne quittera jamais les lieux, contrairement à l’oiseau qui arrive à prendre son envol.
Des décors bucoliques, des tons pastel et des lapins trop mignons… qui laissent rapidement place à des visions cauchemardesques où le sang coule. “La Folle Escapade” raconte l’histoire de ces animaux qui cherche à trouver leur nouvel Eden après que l’un d’eux a reniflé la fumée d’un mégot, signe annonciateur (en plus d’un panneau publicitaire) de la présence d’humains et d’un futur chantier de construction. “Watership Down”, dans sa version originale, a été réalisé par Martin Rosen en 1978 et c’est là encore une adaptation d’un roman, celui de Richard Adams, “Les Garennes de Watership Down” (1972).
Les aplats de couleurs sombres envahissent soudain l’écran et figurent un récit noir et violent. Le danger est imminent, mais tout le monde ne l’appréhende pas de la même façon, à commencer par le chef, politicard terré dans son trou et auprès duquel il faut requérir une audience pour lui parler. Effet de groupe oblige, certains lapins vont être poussés dans leur retranchement et suivre les plus aventureux dans leur quête. Ils auront fort à faire pour surmonter les obstacles dressés sur leur route comme cette halte dans une ferme où ils font la rencontre de hases enfermées dans des cages et gardées par un chat et un chien qui ne demandent qu’à pouvoir dépecer les nouveaux venus.
Le chemin est long pour trouver la terre promise. Mais c’est sans compter les héros, qui vont chacun se découvrir des fonctions et des dons respectifs. Anthropomorphisés comme dans “La Ferme des animaux” de George Orwell, on retrouvera ainsi la figure du voyant, du politicien, du héros sacrificiel, etc. De cela découle autant de critique de l’immobilisme politique ou des régimes totalitaires – le chef tapi dans l’obscurité trop effrayé par le monde extérieur –, qu’une réflexion sur les croyances (la prophétie, le destin) et la protection de l’environnement.
“Do you want anything from the shop?” Pour ma part, je demande le trio incroyable (Simon Pegg, Nick Frost et Edgar Wright à la réal’), une glace Cornetto avec coulis qui ressemble à s’y méprendre à du sang et une bonne rasade de cosy mystery/buddy movie. J’aime tellement ce film que la première scène me fait mourir de rire (c’est un mec qui marche dans un couloir) et c’est clairement mon épisode préféré de la trilogie Blood & Ice cream (qui contient “Shaun of the dead”, “Hot Fuzz”, et “Le Dernier Pub avant la fin du monde”). Construit de bout en bout, chaque épisode se nourrit des autres et emprunte des refs comme cette fameuse réplique “Les raccourcis te font peur ?”. Ici, les deux inspirations principales sont plus qu’évidentes parce qu’elles sont martelées à plusieurs reprises : “Point Break” (Kathryn Bigelow) et “Bad Boys II” (Michael Bay).
L’histoire nous plonge dans le quotidien d’un super flic, Nicholas Angel, tellement doué que le reste de Scotland Yard passe pour des incompétents. Pour pallier à ça, la hiérarchie décide donc d’une promotion un peu spéciale… à savoir l’envoyer dans le petit village de Sandford, patelin tranquille qui a la particularité d’avoir plusieurs fois gagné le titre de “village de l’année”. On s’en doute, il ne s’y passe rien (en tout cas selon l’association de surveillance de voisinage qui regroupe les commerçants). Jusqu’à ce qu’une série d’accidents étranges (un accident de la route, une maison qui explose) mettent la puce à l’oreille de notre policier badass préféré – qui ne demande pas mieux que d’arrêter de poursuivre cette fichue oie à travers champs (encore une scène mémorable).
“Hot Fuzz”, c’est vraiment l’exemple parfait de la visual comedy qui trouve des moyens astucieux de raconter autrement ce qu’une comédie ferait de manière beaucoup trop générique (c’est expliqué sur la chaîne YouTube Every Frame a Painting ici), et de la parodie intelligente qui détricote les codes pour les rendre siens (des dialogues hilarants qui trouvent écho à différents moments du film, Timothy Dalton avec son rictus inquiétant et sa photo affichée juste à côté où il prend exactement la même pose). Au-delà de la finesse d’écriture, les acteurs principaux (qui sont de grands amis à la ville) sont incroyables et campent à merveille le flic zélé limite psycho-rigide, et le flic neuneu qui ne rêve que de participer à une course-poursuite digne de celle qu’il voit à la TV. A noter que le film comprend plusieurs caméos assez fous, de Peter Jackson à Cate Blanchett. Une vraie pépite anglaise.
Le bonus
“Un cadavre dans la bibliothèque”, “A l’hôtel Bertram”, “Une poignée de seigle”… “Miss Marple”, c’était le rendez-vous du mercredi après-midi sur TMC. Dans la province anglaise aux alentours de St. Mary Mead, vous pouvez compter sur cette vieille dame pour résoudre n’importe quelle enquête.