👨🏾‍⚖️ Derrière les barreaux #7

Sur une île américaine

Dans le décor
5 min ⋅ 30/06/2024

Dans ce numéro, on part explorer…

Rodrigo Soares/UnsplashRodrigo Soares/Unsplash

Vue sur San Francisco

« On peut faire pause ? J’ai vraiment besoin de savoir dans quel film j’ai déjà vu ce visage. » Oui, je suis ce type de personne. In-sup-por-ta-ble (c’est ma sœur qui me le dit souvent). En réfléchissant à un sujet de newsletter sympa et en rapport avec ma grande passion, ça a fait tilt. Je crois que j’ai trouvé ma nouvelle obsession, celle de trouver quels films ont été tournés dans les mêmes endroits. Je m’appelle Tara et je vous embarque avec moi à la découverte des lieux qui font le cinéma.

⛓️ Septième escale où nous poserons nos valises : une île qui abrite le crime. Car San Francisco, ce n’est pas que la belle structure orange du Golden Gate Bridge. C’est aussi un bout de terre de neuf hectares, visible depuis le continent quand il ne disparaît pas derrière une brume épaisse. La prison d’Alcatraz a ouvert ses portes en 1934 sur “l’île aux pélicans”, baptisée ainsi par l’explorateur Juan Manuel de Ayala. Mais avant d’être le pénitencier fédéral de haute sécurité que l’on connaît, l’île était utilisée par les militaires pour surveiller la baie et l’augmentation du trafic maritime grâce à sa forteresse et son phare. Dans son histoire, elle est aussi liée aux peuples autochtones.

Et si cette île, frappée par les vents et entourée d’eau glaciale est connue dans le monde du cinéma, c’est parce qu’elle nourrit les fantasmes dès lors que sont prononcés le nom de prisonniers célèbres tel Al Capone ou Machine Gun Kelly. Il est aussi question de son fonctionnement pendant ces 29 années d’existence – il fallait acheminer les denrées et l’eau potable – et de la cohabitation entre les détenus et les employés, qui vivaient sur l’île avec leur famille. Loin d’être abandonné, le rocher est devenue une attraction phare de la ville. Direction : l’Amérique🌊

Adresse : San Francisco, CA 94133, États-Unis

Sûrement l’un des films les plus connus associés à cette prison de haute sécurité. Il retrace l’arrivée et l’évasion de Frank Morris, qui s’échappa dans la nuit du 11 juin 1962 en compagnie de deux autres détenus. C’est Clint Eastwood qui campe le criminel taiseux, dont on ne sait rien des raisons de sa condamnation. Ici, il est moins question de la violence du milieu carcéral entre détenus, que de l’entraide et de la tentative d’évasion. En effet, si le personnage principal peut se montrer brutal – notamment lorsqu’il doit se défendre face à un adversaire armé – il semble la plupart du temps plongé dans ses pensées, multipliant les combines et attentif à la moindre inattention du personnel qui lui permettrait de se procurer des outils.

Dans ce huis clos tendu en permanence, on ne cesse de guetter l’arrivée des surveillants alors que Frank Morris se met, à la nuit tombée, à gratter les parois friables autour de la bouche d’aération qui se trouve au fond de sa cellule. Quand il fait à nouveau jour, les séquences dépeignent la vie quotidienne et la patience dont fait preuve le prisonnier. Dans le même temps, elles permettent de réchauffer quelque peu l’atmosphère ambiante, installant un cadre presque “amical” entre les hommes. Ainsi, Frank Morris noue des relations avec un vieux qui échange des informations contre des desserts à la cantine, un bibliothécaire noir qui s’est mutilé pour quitter un bloc difficile ou encore son voisin de cellule et deux frères qu’il avait croisé dans une autre prison.

Le récit gagne en profondeur quand est évoqué le sort de ses compagnons, l’un d’eux se faisant par exemple retirer son matériel de peinture sans qu’on ne lui fournisse aucune explication. Empathique, le héros ne cherche pas qu’à se sauver lui-même et malgré son sang-froid, de petites actions montrent qu’il se préoccupe des autres face à une direction jugée cruelle. Ultime affront de ce rebelle contre le système pénitentiaire : une fleur de chrysanthème comme symbole de liberté.

The Rock. Pas l’acteur, mais le surnom de ce rocher dans la baie de San Francisco. Celui où sont placés des missiles pointés vers la ville, chargés en gaz VX d’un vert irradiant. Pour son deuxième film après le succès de Bad Boys, Michael Bay propose de s’interroger sur le sort des Marines morts lors de missions clandestines. Ed Harris incarne le (faux) méchant qui cherche à obtenir justice pour ces hommes et leur famille en demandant des millions de dollars qu’il redistribuera à ces personnes. Pour faire encore plus pression, il prend en otage des touristes venus visiter l’île.

Pas de panique, un duo improbable est mis sur le coup : Sean Connery, un espion britannique (tiens donc) mis derrière les barreaux sans procès qui a réussi à s’évader d’Alcatraz et Nicolas Cage (en remplacement de Schwarzy qui n'aimait pas le scénario), un scientifique fan des Beatles et qui sait très mal tenir une arme. Et alors que les militaires censés les protéger tombent un à un, les deux s’allient tant bien que mal pour finir la mission (on se rappelle qu’ils sont face à une quinzaine de militaires passés mercenaires).

Le réalisateur fan de C-4 installe ses gimmicks tout au long du film : les impressionnantes explosions et tonneaux de voitures, le montage effréné d’une course-poursuite et le drapeau américain visible dès les premières secondes. Si le tout est divertissant, la conclusion pêche car elle ne résout rien au problème de fond. Quant à la musique de ce cher Hans Zimmer, elle est bien trop épique pour quelques gus qui courent sur un tarmac. Le réel intérêt réside dans les têtes d’affiche et les grimaces de Nic Cage, dans un scénario tout de même enrichi par Aaron Sorkin et Quentin Tarantino. NB : en cas de contact avec le gaz, les personnages doivent s’injecter une dose d’atropine dans le cœur avec une seringue longue comme le bras. Dans la réalité, l’aiguille n’est pas apparente et vous pouvez viser la cuisse !

Malgré ce que le titre peut laisser penser, l’action ne se déroule pas à Alcatraz avant plus de la moitié du film, mais à Leavenworth dans le Kansas. Le prisonnier, Robert Stroud, admirablement joué par Burt Lancaster, est envoyé à l’isolement après avoir tué un gardien alors que celui-ci lui annonce qu’il ne pourra avoir de visite de sa mère, dont il est extrêmement proche. Dans la petite cour où il est autorisé à faire une promenade, il recueille un oiseau blessé et commence à l’apprivoiser. Un co-détenu lui fournit un de ses canaris malades pour qu’il le soigne. Bientôt, sa cellule se peuple de petits êtres volants.

Dans ce récit presque hagiographique de près de deux heures trente, on ne s’ennuie jamais malgré le peu d’action mis en scène. Basé sur un livre, le film commence par introduire l’auteur de l’ouvrage en brisant le quatrième mur avant de plonger entre les quatre parois de la cellule. Si le fond du propos pèse lourd tout au long du film – le processus de réhabilitation voulu par l’administration pénitentiaire –, le récit parvient à trouver des parenthèses d’enchantement avec une musique entraînante qui accompagne le chant des oiseaux, qui envahissent presque l’espace réservé au détenu. Toutefois, Robert Stroud ne se laisse pas bercer d’illusion : il a accès à ce privilège et peut même publier des textes dans des revues, mais jamais il n’est question de sa remise en liberté.

Les cheveux se font grisonnants, le nez est chaussé de lunettes… Au fil des années, “l’homme aux canaris” devient un ornithologue de renom, trouvant notamment des remèdes à des maladies. Chaque oiseau évoque un peu plus l’évasion mentale de cet homme, de même que sa peur de se lancer dans l’inconnu s’il venait à être libéré – le moineau recueilli dans son nid a du mal à prendre son envol. Quand survient le moment de bascule, l’homme ne pourra rien faire contre les décisions venues d’en haut. Il atterrit à Alcatraz, sans possibilité de s’adonner à ses recherches. Le deuxième récit commence, celui d’un homme résigné, mais ne se soumettant pas aux injections de la “science pénitentiaire”, voulant garder à tout prix ce qui fait sa personnalité.

Les bonus

Meurtre à Alcatraz avec Kevin Bacon et Christian Slater (le jeune moine dans Le Nom de la rose). On change un peu de cadre, car la plupart des scènes se déroulent au tribunal. Dans la veine des films sur l’univers carcéral, la violence est beaucoup plus marquée (le prisonnier se fait couper le tendon d’Achille) avec des séquences qui dépeignent l’enfer de l’isolement et les sévices subis. Si le film enjolive à nouveau la réalité, il montre une injustice et la demande de réparation que s’efforce d’obtenir un avocat novice et chevronné.

New Alcatraz, nom intriguant et véritable navet affilié à la série de films Python. Des pays s’allient pour construire un pénitencier souterrain regroupant les pires criminels du monde en Antarctique. Sauf qu’une équipe de forage sort de sa léthargie un monstre terrible, un boa géant en CGI dégueu. Les dialogues sont nuls et il n’y a aucune espèce de cohésion entre les scènes. Mais bon, il y a Dean Cain.

La forteresse est située sur un minuscule îlot au large des côtes, mais il n'y a même pas besoin de mur ou d'eau pour garder les prisonniers. Ils sont enfermés dans leur propre tête, incapables d'avoir la moindre pensée agréable. La plupart d'entre eux deviennent fous en quelques semaines.

Remus Lupin, description de la prison d'Azkaban (Harry Potter). Le nom vient d’une combinaison entre Alcatraz et l’hébreu “Abaddon”, qui signifie “lieu de destruction” ou “profondeurs de l’enfer”.


Dans le décor

Par Tara -

Je m'appelle Tara et du haut de mes 25 ans, je vous embarque avec moi au pays des films et séries. Journaliste, j'essaie de décortiquer des scènes emblématiques pour vous donner envie de voyager et découvrir grands classiques et films de genre.